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La forêt boréale : le laboratoire culinaire du Baumier

La forêt boréale : le laboratoire culinaire du Baumier

Chips de lait, pousses d’épinettes confites, sorbet au parmesan, cocottes de pin macérées dans un sirop léger : la cheffe Arianne Faucher ne manque pas d’imagination pour mettre en valeur les produits du terroir!

Elle a grandi dans les Laurentides et s’est initiée à la cuisine alors qu’elle était encore une enfant. Avec le restaurant Baumier, récemment ouvert à Piedmont, la jeune femme combine son amour de la forêt boréale et des produits laitiers. Portrait d’une cheffe inspirée.

Dans la cuisine ouverte du Baumier, on peut voir Arianne Faucher à l’œuvre. La cheffe verse un mélange de lait et de sucre sur une plaque à cuisson. Au contact de la surface brûlante, le liquide se met aussitôt à bouillir. « C’est un art, la chips de lait! Il faut que la plaque soit juste à la bonne température. Ensuite, c’est une question de vitesse pour ne pas que ça brûle », dit-elle en raclant à l’aide d’une spatule en métal la fine croûte qui vient de se former. Le résultat est étonnant : croustillant comme une chips et sucré comme du caramel. Miam!

Ces fameuses chips de lait, Arianne en a préparé pour la première fois alors qu’elle était sous-cheffe à L’Épicurieux. « Les producteurs de Boréalait, en Abitibi, étaient venus manger au restaurant après avoir fait le marché de Val-David. J’ai su qu’ils n’avaient pas vendu tout leur stock et je me suis mis en tête de créer un dessert sur le lait. Une crème caramel, un sorbet au parmesan avec des prunes macérées et des chips de lait. » Il n’en fallait pas plus pour que cette création toute simple (mais pas si facile à réussir!) devienne un de ses classiques. « On l’a déjà servi avec un plat de chou rôti au beurre. Le goût de dulce de leche des chips allait chercher celui caramélisé du chou. C’était tellement bon! », s’exclame la cheffe de 28 ans.

Une pâtissière née

Les expérimentations culinaires d’Arianne ne datent pas d’hier. Déjà à sept ans, elle faisait ses propres crêpes. « Je montais sur une chaise pour les faire cuire », raconte celle qui a grandi à Sainte-Agathe-des-Monts. Il faut dire que ses parents étaient de vrais foodies. « Je m’endormais souvent devant des émissions de cuisine. La fin de semaine, on essayait de nouvelles recettes. Lorsqu’ils partaient faire des commissions, j’ouvrais un livre de cuisine et je me mettais à popoter. Un jour, ils sont revenus et j’avais fait un gâteau roulé. Ils ne comprenaient pas comment j’avais réussi une recette aussi complexe. Je devais avoir 13 ans. »

Lorsqu’Arianne a commencé sa formation en pâtisserie, disons qu’elle avait une longueur d’avance sur les autres élèves. « J’étais un peu blasée de faire des gâteaux aux bananes! », lance-t-elle en riant. Sa vraie initiation à la gastronomie s’est déroulée aux côtés de la réputée cheffe Anne Desjardins, au regretté restaurant L’Eau à la bouche, à Sainte-Adèle. Puis, il y a eu L’Épicurieux. À l’époque, Arianne s’était juré d’y travailler uniquement comme serveuse pour payer ses études en gestion de la restauration, au Cégep de Saint-Jérôme. L’envie de manier les casseroles a été plus forte! « Je me suis liée d’amitié avec la cheffe Fanny Ducharme. Petit à petit, j’ai pris le contrôle de la carte des desserts, puis on s’est mises à créer le menu ensemble », raconte Arianne.

C’est aussi à ce resto de Val-David qu’elle a rencontré le sommelier Nicolas Quinto, avec qui elle s’est lancée dans l’aventure du Baumier, en pleine pandémie. À 26 ans et des poussières, Arianne est devenue cheffe propriétaire de son tout premier restaurant. « C’était un rêve! Je ne pensais jamais que ça arriverait aussi rapidement. »

Poivre des dunes et autres molécules

Dans sa cuisine, la cheffe du Baumier fait confire des pousses d’épinettes. « C’est tellement tendre! » Il lui arrive aussi de faire macérer des cocottes de pin dans un sirop léger. « Ça devient des bonbons de la forêt », lance-t-elle les yeux brillants. C’est sans compter tous les autres ingrédients sauvages qui remplissent son garde-manger : poivre des dunes, sumac, clavalier d’Amérique, mélilot. « Le mélilot, c’est notre vanille du Québec. Ça pousse partout. J’appelle ça “l’épice de bord de route”! »

Telle une alchimiste, Arianne distille les saveurs de la forêt à travers son menu. Pour trouver l’inspiration, elle consulte parfois L’essentiel de Chartier, du sommelier François Chartier. « Pour moi, c’est une bible. C’est comme un champ lexical de nourriture », lance-t-elle en feuilletant l’ouvrage qui classe les aliments selon leurs molécules aromatiques communes. Au hasard, la cheffe tombe sur la page de la mozzarella. En voyant les ingrédients qui s’accordent avec ce fromage, la voilà lancée : « Je pourrais faire une purée de champignons poêlés avec de la mozzarella. Je serais tentée d’ajouter du basilic thaï ou du poivre des dunes. » De son propre aveu, Arianne voue une véritable passion pour les produits laitiers. « Si je m’écoutais, j’en mettrais partout sur mon menu. Mais on ne peut pas vivre que de lait et de fromage! », rigole-t-elle.

L’amour des produits d’ici

Parce qu’elle n’a pas peur des défis, Arianne n’utilise que des ingrédients du Québec, même en hiver. Il y a bien les légumes de conservation que Lorraine, des Jardins de Stéphanie, à Saint-Lin, lui fournit à l’année : topinambours, poireaux, endives et épinards. Sinon, elle a recours à différentes techniques pour préserver les denrées au-delà de la saison des récoltes : congélation, marinade, lactofermentation… Elle fait ses propres kimchis et a appris à préserver les fruits grâce à une autre méthode de fermentation coréenne : le cheong. « J’ai fait macérer des bleuets pendant trois mois. C’est étonnant à quel point ils sont restés intacts. »

La proprio du Baumier insiste : « Notre valeur première, c’est de mettre de l’avant le travail des producteurs de la région. » Comme Stéphane de chez Héritage du jardin, Mathieu de La Récolte de la Rouge ou encore Max des Jardins de Max l’Artisan Maraîcher. Ce désir de créer une communauté est partagé avec tous ceux qui l’entourent. Lorsqu’un plongeur est submergé sous une montagne de vaisselle, Arianne n’hésite pas à aller lui prêter main-forte. « On partage les pourboires équitablement. Le restaurant n’est ouvert que quatre jours par semaine pour permettre à nos employés d’avoir une vie. On essaie de changer la restauration à notre manière », ajoute-t-elle, humblement. Décidément, Arianne n’a pas fini d’avoir une longueur d’avance sur les autres!

Quelles sont tes recettes signature?

« Je n’en ai pas! La seule chose qui reste sur le menu, c’est le pain grillé servi avec du beurre au miel d’Anicet. »

Le plat qui te rend nostalgique?

« La soupe au poulet et riz de ma grand-mère. »

Ta première recette?

« Les crêpes! »

Ton ingrédient fétiche?

« Du beurre! J’en mets partout!»

Ton péché mignon?

« Du gâteau au chocolat maison. Je n’en fais pas au resto, parce que le cacao, ça ne pousse pas au Québec… mais c’est tellement bon! »

Chips de lait du Baumier

La cheffe du Baumier Arianne Faucher partage sa recette de chips de lait avec nous. Ces tuiles sucrées et croustillantes accompagnent aussi bien un plat salé, comme du chou rôti, qu’un dessert, comme de la crème glacée. Attention : cette recette nécessite une plaque de cuisson au gaz (en métal) et quelques essais-erreurs!

Temps de préparation : 5 minutes

Temps de cuisson : 30 minutes

Temps de réfrigération : Au moins quatre heures

Portion : 4 à 6

Ingrédients

  • 1 L (4 tasses) de lait
  • 75 ml (1/3 tasse) de sucre

Préparation

Dans une tasse ou un bol avec un bec verseur, mélanger le lait et le sucre. Fouetter jusqu’à ce que la majorité du sucre soit dissout.

Laisser reposer la préparation au réfrigérateur au moins quatre heures.

Allumer la plaque à cuisson à feu moyen et huiler uniformément en s’assurant de ne pas laisser de résidus.

Lorsque la plaque est à la bonne température (vous le saurez avec la pratique!), versez-y 1/10 de la préparation en filet continu. Le lait sucré devrait faire des bulles au contact de la plaque chaude.

Laisser la préparation cuire environ 1 minute jusqu’à ce qu’elle se durcisse et prenne une couleur caramel. À l’aide d’une spatule en métal, racler des bandes de croûte de lait pour former des chips ondulées.

Disposer sur une plaque à cuisson recouverte de papier parchemin. Laisser refroidir 5 minutes avant de déguster.

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