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7000 calories par jour : la diète d’un explorateur

7000 calories par jour : la diète d’un explorateur

Qu’est-ce qu’on mange lorsqu’on passe ses journées à skier sur la banquise ou à pagayer sur les rivières du Nunavut? L’aventurier québécois Guillaume Moreau nous dit sur quel carburant il a misé pour réaliser, par la seule force de ses muscles, la plus ambitieuse expédition de sa vie. En mode survie, il faut ingérer beaucoup de calories!

Skier sur l’archipel Arctique pendant 64 jours dans des conditions extrêmes, à des températures de -35 °C, sans d’autres sources de chaleur que celle de son propre corps. Puis, comme si cet exploit ne suffisait pas, pagayer pendant trois autres mois sur les eaux glaciales du Nunavut, dont 2000 km en pleine débâcle à contre-courant. Et en rajouter avec 44 jours de vélo à travers la Saskatchewan, le Manitoba et l’Ontario.

En 2021, Guillaume Moreau et Nicolas Roulx ont parcouru 7600 km en 234 jours pour accomplir l’Expédition Akor. Ce que Guillaume qualifie « d’ultra ultra triathlon ». L’équivalent de 180 marathons, pour être exact. Rien que d’y penser, on est essoufflés!

Entraînement hypercalorique

« On ne s’invente pas explorateur du jour au lendemain! », lance Guillaume. À 30 ans, ce natif de Québec cumule déjà 20 ans d’expérience. Il faut dire qu’il a eu la piqûre pas mal tôt, au camp de vacances Kéno, dans la région de Portneuf, où, petit gars, il a rencontré Nicolas, qui allait devenir son partenaire d’aventure.

En vue de leur ultime expédition, celle dont ils rêvaient depuis longtemps, les deux amis se sont entraînés pendant plusieurs hivers pour tester leurs menus et leur équipement. Comme la fois où, en camping au réservoir Manicouagan, en plein mois de février, leur casserole s’est fendue à cause du froid. « On ne pouvait plus faire fondre de glace, donc ni boire ni manger! » Le genre d’erreur qui, sur la banquise, aurait pu leur coûter la vie.

« La nourriture est cruciale pour ce genre d’expédition, insiste Guillaume. Dans l’Arctique, notre capacité à ingérer des calories est la seule manière de ne pas mourir d’hypothermie. » Il explique qu’ils devaient en consommer suffisamment pour compenser le niveau d’effort déployé et fournir l’énergie nécessaire pour se réchauffer. Avant de partir, en plus de s’entraîner physiquement, les deux explorateurs ont énormément mangé pour faire des réserves dans lesquelles ils pourraient puiser. Guillaume pesait 20 livres en plus et Nicolas pesait 30 livres en plus au moment du grand départ.

Une grande partie de leurs préparatifs a consisté à prévoir des menus d’environ 7000 calories par jour (pour donner une idée, un hamburger compte environ 295 calories!). Ils ont cuisiné des centaines de repas, en plus de les déshydrater et de les emballer sous vide pour qu’ils se conservent et qu’ils soient plus légers à transporter. Et ce, sans compter les centaines de plats lyophilisés du commerce, une technique plus complexe de déshydratation, qu’ils avaient dans leurs bagages.

Festin de banquise

En mars 2021, au moment d’entamer leur périple sur l’île d’Ellesmere, dans l’archipel Arctique, leurs traîneaux pesaient 300 livres. La nourriture comptait pour la moitié du poids! Ils avaient des provisions pour 40 jours avant le prochain ravitaillement (quatre étaient prévus au cours de l’expédition), sans compter leur matériel de camping, des vêtements chauds, une trousse de premiers soins, deux casseroles neuves (!) et deux brûleurs.

« On skiait de 10 à 12 heures par jour, raconte notre coureur des glaces. Il faisait trop froid pour s’arrêter et manger. On se contentait de collations : des barres protéinées, de gros biscuits, des gâteaux très caloriques, des noix, beaucoup beaucoup de fromage (environ un tiers de brique par jour!), de la viande séchée et des saucissons. »

Le soir, pour préparer leur seul repas « chaud » de la journée, ils devaient faire fondre de la glace sur leur brûleur pour réhydrater leur nourriture lyophilisée. Puis, après une courte nuit de six heures, ils avalaient du gruau ou des céréales avec des noix, des fruits séchés et du lait en poudre. Celui-ci peut se conserver six mois lorsqu’il est scellé dans son emballage d’origine, en plus de conserver tous les bienfaits du lait liquide!

Malgré ce régime hypercalorique, Nicolas a perdu 18 livres dans les 40 premiers jours de l’expédition. « C’est plus d’une demi-livre par jour! », s’exclame Guillaume. Pour les habitants de la banquise, les deux aventuriers représentaient un mets aussi alléchant qu’exotique. « On se faisait littéralement chasser par les ours polaires. On n’était plus au sommet de la chaîne alimentaire! »

Risotto, fromage et poisson du Nunavut

« Un des plus beaux moments, c’est lorsqu’on a atteint le continent. On avait déjà fait la transition en canot et on commençait à entrer dans les terres du Nunavut pour rejoindre le circuit de rivières et de lacs qui allait nous mener au nord de la Saskatchewan. Ce soir-là, on avait monté la tente sur la terre ferme et le sol était chaud. Pour la première nuit depuis longtemps, on ne dormait pas sur un glaçon », raconte Guillaume.

Après plus de deux mois de « repas congelés », les aventuriers étaient heureux de pouvoir enfin s’arrêter pour manger. Leurs menus étaient aussi plus élaborés. Pour le midi : des salades ou des pâtes (réhydratées), accompagnées de saucisson, de pains et de fromage.

Le soir : des spaghettis, du chili, du risotto et des currys de lentilles (bis). « Des repas très consistants auxquels on ajoutait beaucoup de fromage! », précise Guillaume.

En juillet, les canoteurs se sont toutefois fait surprendre par plusieurs tempêtes de vent fort et de pluie, qui les ont retardés d’une vingtaine de jours. « On avait pour 40 jours de nourriture entre chaque ravitaillement, on a donc dû se rationner et compléter nos repas avec du poisson. Heureusement, il y en a beaucoup au Nunavut! On n’avait qu’à mettre notre ligne à l’eau pour en attraper des gros. »

Salades à volonté

Après six mois de risques quotidiens, les dernières semaines à vélo ont plutôt ressemblé à une partie de plaisir! Nos explorateurs retrouvaient enfin la civilisation et, avec elle, les épiceries remplies de tout ce qui leur avait manqué. « La réalité, c’est que peu importe ce tu manges en expédition, t’as toujours faim. T’as faim en te réveillant le matin, t’as faim pendant toute la journée, t’as faim en te couchant le soir. La nuit, tu rêves que tu manges de la crème glacée et du gâteau. Ça devient une obsession! », s’exclame Guillaume.

Il avoue s’être arrêté dans quelques restaurants en cours de route, lors des jours de pluie, mais ce n’était pas tant par rage de pizza ou de poutine. Après 190 jours à hydrater les mêmes repas, ils avaient surtout envie de fraîcheur. « Croquer dans un concombre, ça fait du bien! », plaisante-t-il. Si les calories ingérées ont baissé au fil des derniers kilomètres parcourus, cela n’a pas empêché nos explorateurs d’atteindre leur objectif. Le 8 novembre 2021, leurs vélos freinaient sur la Pointe-Pelée, au bord du lac Érié, en Ontario, l’extrémité sud du pays. Ils ont célébré leur exploit avec une bonne bouffe. Au menu : « Du barbecue et beaucoup de salades fraîches! »

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