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Le Virunga : recettes d’Afrique, ingrédients d’ici

Le Virunga : recettes d’Afrique, ingrédients d’ici

Dans sa cuisine du Plateau-Mont-Royal, Maria-Josée de Frias puise dans ses souvenirs d’Afrique pour créer de délicieux plats à partir d’ingrédients québécois. Il y a six ans, la cheffe d’origine congolaise et sa fille Zoya faisaient le pari d’ouvrir Le Virunga, un restaurant aux saveurs d’Afrique subsaharienne. Depuis, elles ont réussi à rallier les Québécois et la diaspora africaine grâce à une gastronomie métissée serrée.

Maria-Josée de Frias est aux anges. Pour la première fois cet été, elle pourra compter sur une belle récolte d’amarantes. Depuis quelques années, la cheffe du restaurant Le Virunga, sur l’avenue Rachel, collabore avec Hamidou Maïga, un horticulteur d’origine nigérienne qui se rend jusqu’en Afrique pour acheter des semences qu’il cultive en terre québécoise. C’est lui qui la fournit en aubergine africaine, en gombo et en oseille. Après plusieurs tentatives décevantes, il est enfin parvenu à faire pousser l’amarante, dont Maria-Josée cuisine les feuilles au goût amer. « Il y a mille et une façons de les apprêter : je peux faire un sukuma wiki à la mode kényenne, un sauté de bette à carde, d’amarante, de tomates et d’épices, ou les apprêter à la kinoise, avec des légumes et des tomates fraîches », explique celle qui préfère qu’on l’appelle simplement Maria.

Si cette native de Kinshasa s’inspire des mets des pays comme le Congo, le Cameroun, le Sénégal ou le Nigéria, la plupart des produits qu’elle utilise proviennent des Cantons-de-l’Est, de Lanaudière ou de la Montérégie. Comme les chèvres qu’elle vient tout juste de recevoir d’un éleveur de Saint-Esprit. « Ma cuisine, c’est un peu de là-bas et un peu d’ici », résume-t-elle.

La preuve : lorsqu’elle a ouvert Le Virunga avec sa fille Zoya, en 2016, une poutine apparaissait même au menu. Une poutine à la sauce africaine, avec des frites de plantains et de maniocs, un effiloché de chèvre, des champions et des gombos, le tout surmonté de fromage fumé. Bien que les produits laitiers soient peu utilisés dans la tradition africaine, Maria n’hésite pas à ajouter « beaucoup de crème, beaucoup de lait, beaucoup de beurre et même du yogourt » à ses recettes. De son propre aveu, depuis qu’elle vit au Québec, elle a pris goût au lait au point de ne plus se contenter d’en verser dans son café. « Elle se balade toujours avec une bouteille d’eau remplie de lait. Elle ne peut pas vivre sans lait! », la taquine sa fille.

L’artiste et la mathématicienne

Si on avait dit à Maria qu’elle deviendrait un jour cheffe, elle ne l’aurait pas cru. « J’ai toujours cuisiné, mais, lorsque j’étais jeune, ce n’était pas vraiment mon truc. Je préférais les arts », dit celle qui a étudié la mode en Belgique, où elle a travaillé comme styliste pendant une quinzaine d’années. Zoya avait 16 ans, et son frère Khalil, 9 ans, lorsque la famille a immigré au Québec, en 2007. Maria ne connaissait personne ici et redoutait notre climat nordique. « Le premier hiver, je ne suis pas sortie. J’ai hiberné! », dit-elle en riant. Et, pourtant, ni le froid ni le fait d’être monoparentale n’ont freiné sa détermination : la même année, elle retournait sur les bancs d’école, à 42 ans, pour compléter un DEP en cuisine.

Dix ans plus tard, sa fille terminait un double baccalauréat en informatique et en statistique, à l’université Concordia. Zoya hésitait à enchainer avec une maîtrise lorsque sa mère lui a proposé de se lancer dans l’aventure du Virunga. C’est ainsi que, du jour au lendemain, la jeune femme s’est retrouvée à gérer un restaurant, en plus d’y faire le service. « Je n’avais aucune expérience! Je ne savais même pas comment faire un café », confie-t-elle. Aujourd’hui, Zoya est pourtant devenue experte en vins et cocktails. C’est d’ailleurs elle qui a monté la carte de crus entièrement sud-africains. Elle a surtout appris à s’imposer comme une partenaire d’affaires auprès de sa mère. Et cette dernière a appris à ne plus la considérer comme une enfant.

« On se complète bien, affirme Zoya. Elle, c’est l’artiste, et moi, je suis la mathématicienne! Au début, on ne parlait pas le même langage. Moi, je suis très terre-à-terre, et elle… elle a la tête dans les nuages! » La fille jette un regard à sa mère qui, du tac au tac, réplique : « Tu vois ce que mes nuages sont devenus! »

Une nouvelle cuisine africaine

La vision de Maria était à l’image du Virunga, ce parc national congolais, à la frontière du Rwanda et de l’Ouganda, qui a tout d’un paradis perdu : des animaux exotiques, des minerais de diamants, des gisements de pétrole, une flore luxuriante, incluant des poivriers et des caféiers. Un endroit où même les pommes et les fraises peuvent pousser, mais qui est difficilement accessible à cause des conflits qui s’y perpétuent.

C’est la richesse de ce terroir africain qu’elle voulait faire découvrir en réinterprétant les mets qui voyagent à travers le continent. « Les pays subsahariens ont plusieurs plats en commun. Par exemple, le poulet à l’arachide, on en mange chez moi, au Congo. On en mange beaucoup au Sénégal, ça s’appelle le mafé. Au Congo, on dit poulet à la moambe, et, au Mali, tigadegue. » Pour la cheffe, pas question de servir des grillades comme dans la majorité des restaurants africains. « Lorsqu’on est invité dans une famille en Afrique, on sert habituellement des plats en sauce. Les grillades, c’est plutôt ce qu’on achète au bout de la rue », explique-t-elle.

Cela n’a pas empêché ses premiers clients de demander pourquoi il n’y avait pas de grillades, de bananes frites ou de riz au menu. Au départ, même les gens de la diaspora avaient du mal à saisir le concept du Virunga. « Ils disaient qu’on était un restaurant québécois! » Ils ne s’attendaient sans doute pas à manger des boulettes de mouton farcies à la ricotta ou un gratin de plantain à la crème. « Combien de femmes africaines m’ont dit : “Je n’aurais jamais pensé faire des gaufres de plantain ou le servir en purée.” », illustre Zoya. Et c’est sans compter les Québécois qui hésitent à commander un plat de mouton ou de chèvre et qui se laissent convaincre à la première bouchée. La cuisine inventive de Maria a eu raison de leurs préjugés. Heureusement qu’elle a su s’accrocher à ses nuages!

Les recettes signatures de Maria

« La chèvre et le mouton, peu importe comment ils sont cuisinés. Qu’elles viennent de Tanzanie, du Congo, du Sénégal ou de la Guinée, toutes ces recettes sont authentiques et inspirées de mes souvenirs. »

Le plat qui la rend nostalgique

« Le poisson malangwa. C’est une recette toute simple : des darnes de poisson qu’on fait mijoter avec de la tomate fraîche, des oignons et du piment. Ça me rappelle Kinshasa et l’insouciance de l’époque où j’habitais chez mes parents. »

Sa première recette

« Ma version de la poutine. Je l’ai testée à la maison avec mes enfants avant de la servir au restaurant. »

Un ingrédient fétiche

« La sauge.»

Son péché mignon

« Tout ce qui est croissant et viennoiserie. J’ai la dent sucrée! »

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