Est-ce qu'on peut prendre son repas en photo?

Un convive accro aux médias sociaux vous fait patienter parce que «?monsieur veut prendre une photo?». Ça n’a pas d’allure! Le verdict est sans appel : cette personne devrait être envoyée directement en prison sans passer GO!

En fait, mesdames et messieurs du jury, ce monsieur c’est moi. Je plaide coupable. Coupable du crime de trouver que la bouffe, c’est beau!

Contenez votre indignation encore un petit moment, car aujourd’hui, on mijote une question vitale (pour moi) : « Comment (enfin) accepter les gens qui prennent des photos de leur repas? »

Parce que j’aime ça, moi, prendre des photos de ma sustentation. Je dois agir maintenant pendant que c’est encore majestueux. Ça sera trop tard une fois que la tornade de ma passion aura transformé mon assiette en un lieu sinistré.

Je ne le fais pas pour rien. J’ai mes raisons (quatre, pour être exact):

No 1 Encourager les commerces d’ici

En tirant le portrait de ce que je vais savourer, je fais une petite passe au restaurant. Je n’ai pas les centaines de milliers d’abonnés d’un ex-concurrent d’Occupation Double, mais mes abonnés sont au courant de ma passion pour la pizza de Pronto sur Mont-Royal parce que c’est mon seul sujet de conversation!

Je suis vraiment fatigant avec ça. J’en parle tellement que les douaniers me disent toujours : « C’est pas ça qu’on vous demande de déclarer! »

Lorsque je tire le portrait de ma pizza-au-fromage-épais-et-à-la-croûte-généreuse, je tag le resto dans ma story sur Instagram, ce qui permet ensuite au restaurant de la relayer, et ainsi, je donne du contenu facile à partager et j’incite les gens à y aller. C’est communautaire mon affaire, OK là!

No 2 Propager la fierté des villes

D’un show à l’autre, je me déplace à travers la province et j’en profite pour partager les différents talents du Québec (donnant-donnant!). Ma photo de la poutine du Roy-Jucep de Drummondville est garantie de faire ressortir les honneurs des résidents de la ville dans ma messagerie privée. Ils réagissent avec la même fierté qu’on ressent quand une popstar américaine dit trois mots en français au Centre Bell! Pis moi, ben je me sens comme une popstar américaine au Centre Bell.

Si je suis à Baie-Comeau, je demande à mes abonnés où je devrais aller pour trouver mon âme sœur, version poutine. Avant de m’empiffrer (étape importante), je prends une photo de mon plat (voyez, je m’impose le même traitement, c’est pour ça que je sais que vous exagérez) pour rendre hommage à mes entremetteurs. À travers la lentille de mon appareil photo, Baie-Comeau et sa mangeaille sont d’une telle beauté que les gens commencent à l’appeler Bae-Comeau!

No 3 C’est pas si pire

Je ne veux pas vous faire de peine, mais… vous pleurez un peu pour rien.

J’aurais compris votre impatience si j’avais fait le coup il y a 25 ans avec un appareil photo jetable. Vous auriez dû attendre à table que j’aille à la pharmacie, que je choisisse entre un fini mat ou luisant (stressé parce que je ne savais jamais lequel prendre) et attendre deux longues semaines avant d’avoir les résultats. Là, j’aurais compris; y’a de quoi briser une amitié dans des fajitas frettes.

Surtout qu’après toute cette attente, on aurait remarqué que j’ai scrappé la photo en plaçant mes doigts devant l’objectif!

Mais aujourd’hui, en moins de 20 secondes, j’ai pris tous les clichés dont j’ai besoin. Je ne suis pas en train de peindre une murale sur la Main, je suis juste en train de prendre une photo!

Tout reste encore chaud pendant que j'immortalise le moment. Le fromage qui coule sur les nachos comme la lave sur un volcan ne se transformera pas en glace en un instant. Ça peut paraître égoïste de vous faire attendre, mais ce ne l’est pas. Ce qui sera nombriliste, ça sera ma façon subtile de manger tout ce bon fromage-là sans vous en laisser!

Une fois qu’on commence à manger, là, c’est chacun pour soi!

No 4 Mon moment de gloire

Je suis rarement assez fier de moi que lorsque je regarde mes photos de bouffe et de ce que je vais manger. Ce n’est pas de ma faute si ça vous rend jaloux!

Les bienfaits psychologiques de prendre une photo avant de manger ont souvent été démontrés par différentes études. Tenir cette petite cérémonie ferait en sorte qu’on apprécierait plus ce qu’on a devant soi à cause de l’anticipation qu’on se crée soi-même. Avec mes habiletés très limitées en cuisine, c’est ma seule façon de rendre un plat meilleur sans le ruiner!

Fait que j’ai raison: la bouffe ça se célèbre. Chaque photo de poutine est un hymne à l’amour que je porte au fromage, aux frites et à la sauce. Pour moi, c’est ça, la Sainte-Trinité!

Au nom de la bière, des frites et du fromage d’ici. Amen!