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Pour ou contre le poivron vert

Pour ou contre le poivron vert

Décoration essentielle sur la pizza ou inutilité à saveur d’eau croquante? Le poivron vert est presque aussi controversé que la coriandre (on n’a juste pas trouvé de gène qui prouve pourquoi certains aiment pas ça).

C’est pourquoi Recettes d’ici a décidé de mettre le feu aux poivrons en proposant une joute verbale (ben… écrite, mais lisez-la à haute voix pour une expérience immersive entre deux pros des produits de bouche. Dans le camp du menoum : Caroline Décoste. Dans le camp du non-menoum : Mathieu Charlebois.)

Caroline, pour : le goût de l’innocence

Qu’a fait le poivron vert pour mériter une si mauvaise réputation? Détracteurs, ne savez-vous donc pas que vous vous acharnez sur un pauvre enfant-légume? Le poivron vert n’est après tout qu’un poivron rouge en devenir, cueilli avant d’être mûr. Un bébé poivron, qui ne demande qu’à être aimé.

« J’étais prêt à attendre, tu sais. Je n’étais pas SI pressé de manger un poivron. » – Mathieu

Pas encore gâché par le temps qui passe et les déceptions de la vie, le poivron vert goûte moins le poivron que le vert. En fait, il goûte à 50 % le crounche, et à 50 % le vert.

En plus, le poivron peut être son propre plat de cuisson quand on en fait, par exemple, des poivrons farcis et gratinés au fromage. C’est tout juste s’il ne fait pas lui-même le ramassage des assiettes, la vaisselle et les devoirs des enfants après le souper!

Mathieu, contre : beaucoup de job pour un mal de ventre

Tu sais pourquoi il n’y a jamais d’assiette de crudités sur les menus de Saint-Valentin? Parce que rien ne dit moins « p’tite soirée romantique » qu’une date qui passe son temps à péter, éructer et mal digérer des poivrons crus, légume notoirement difficile à faire passer dans le duodénum avec sa peau très résistante aux sucs digestifs. Oh, j’dis pas que ça m’arrive à moi, là, je suis juste très sensible à la vulnérabilité digestive des gens que je fréquente. Je suis un woke du poivron.

« Et pourtant, la chanson ne dit-elle pas « Prout prout prout que je t’aime? » – Caroline, fine mélomane

La quantité de fibres que contient le poivron est inversement proportionnelle au plaisir qu’on a à le cuisiner. Il faut lui couper la tête sans se couper un doigt, lui épiler l’intérieur, et même en ayant fait de ton mieux, tu passes ton temps à retrouver des p’tites graines partout pendant des jours. Après, si tu veux pas avoir le côlon en feu, c’est recommandé d’y arracher la peau, comme dans un peeling extrême.

C’tu juste moi qui trouve qu’on vient de se donner ben, ben, ben du trouble juste pour pas trop mal digérer? J’ai un bien meilleur truc : ne pas en manger.

Caroline, pour : un légume qui connaît sa place

Tout le monde ne peut pas être une tomate, la Céline du show-business des fruits et légumes, celle qui sait tout faire. Pis même Céline, elle a des choristes pour souligner sa voix. Le poivron vert, c’est la choriste de ta recette : ça le fait sans lui, mais c’est vraiment meilleur quand il est là, parce que sa seule présence rehausse le goût de tous les autres légumes.

C’est pas une job facile, choriste de légumes : la carotte ne sait pas faire ça, elle est trop prétentieuse pis goûteuse pour ça! Le poivron, il sait quand rester en arrière-scène du goût, à faire une petite chorégraphie en claquant des doigts pour bonifier le spectacle.

Dans une quiche au fromage suisse et cinq légumes, le poivron vert sait qu’il n’est pas le légume no 1 ou le no 2. Il est le no 5, et c’est très correct. Si tu es la cinquième personne à aller dans l’espace, ben coudonc, t’es quand même allé.e dans l’espace!

« OK, mais tu me garantis que dans l’espace, y’a pas de poivron? » – Mathieu

Mathieu, contre : toutes les couleurs de l’arc-en-ciel

Les poivrons rouges : délicieux. Les poivrons jaunes : délectables. Les poivrons oranges : délectables aussi, mais en orange. Les poivrons mauves : funky ET délicieux. Les poivrons blancs : intrigants et délectables. Les verts? Ils… existent. Au mieux. Ils n’ont pas le petit kick des piments poblanos ou des piments jalapenos, desquels ils semblent être le cousin qui n’a pas aussi bien réussi dans la vie.

« Les derniers seront les premiers, dans notre piment-réalité. » – Caroline

Ce que je veux dire, c’est qu’avec toute la variété qui existe dans le domaine du poivron, pourquoi s’embarrasser de son itération la moins réussie? Que tout le monde ne puisse être Céline, je le conçois bien. Mais si tu n’arrives même pas à être Aline (fiction très, très librement inspirée de notre star québécoise), peut-être que le show-business de mon assiette n’est tout simplement pas pour toi.

Le verdict

[Autour d’un sous-marin aux trois fromages – extra cornichons avec poivrons verts, mais sans laitue iceberg pour Caroline, pas de poivrons verts et extra olives pour Mathieu – les deux pugilistes de la napkin tentent d’en arriver à un compromis pour ne pas gâcher leur belle amitié.]

Caroline : Mais Mathieu, comment une pizza all dressed peut-elle être garnie sans poivron? C’est ALL dressed, qu’on dit. Pas relatively dressed, ni pas pire dressed. C’est l’essence même du concept!

Mathieu : Je mange juste de la végé.

Caroline : Les poivrons, c’est végé.

Mathieu : Touché. Je veux bien essayer, mais juste si t’arrives à me faire une pizza au micro-ondes. Dans une tasse. En moins de dix minutes.

Caroline : Extra poivrons?

Mathieu : Charrie pas, quand même.

Qui sont Caroline et Mathieu?

Quand iels ne se battent pas virtuellement à coups de mitaines de four, ces lurons aussi gais et moelleux que le pain coécrivent le blogue humoristico-alimentaire Vas-tu finir ton assiette?. Quand, à l’épicerie, vous vous demandez « Mais qui peut bien acheter cette cochonnerie? », la réponse est invariablement : « Caroline et Mathieu ». Iels y goûtent, iels en rient.

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