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Et si on laissait le potluck derrière nous?

Et si on laissait le potluck derrière nous?

C'est en méditant sur la perspective d'un petit Noël tricoté serré que je me suis dit, presque comme pour me consoler, « au moins, y'aura pas de potlucks ». C'est une question qui divise, je le sais. On me susurre à l'oreille que c'est une façon que tous contribuent, et d'adoucir la responsabilité des hôtes. Mais en mijotant la question, je suis quand même radicalement contre le retour du potluck.

Déjà, le potluck est une pratique issue des temps médiévaux. En effet, on gardait jadis les restants de repas au réchaud pour nourrir les visiteurs qui retontissaient à l’improviste (qui étaient alors « at the luck of the pot »).¹

Au fil des siècles, le repas chaud servi aux voyageurs impromptus a étrangement évolué vers une macédoine de « sanouiches » pas d’croûte, de feuilletés à la saucisse cocktail frettes et de carottes mouillées, désagrégeant lentement et déplorablement l’art de recevoir.

Je veux bien croire en l’aspect pratique d’un repas collaboratif pour un party de bureau ou un pique-nique étudiant - je ne suis quand même pas puriste -, mais de là à transformer le moindre souper de groupe en courtepointe gastronomique, il y a une sacrée marge!

Premièrement, un potluck, c’est stressant pour les invités. J’apporte quoi? Combien de portions préparer? Que vont apporter les autres? Est-ce que je dois absolument cuisiner un plat ou bien je peux acheter du pré-fait?

Au mieux, le repas est incohérent et au pire, tout le monde a consulté la même liste des 15 incontournables du potluck!. Pour éviter de manger de la lasagne avec un à-côté de salade de pâtes, la seule solution est un effort de coordination, mais alors les organisateurs d’un souper qui se veut bohème et décontracté se transforment en gestionnaires de projet. Même là, on est encore loin du compte : rien n’est à la bonne température, untel se sert une deuxième assiette alors qu’il n’a aucunement contribué, pendant qu’unetelle essaie de faire passer une quiche en boîte pour un plat maison. Et personne ne parle des délectables fromages d’ici, arrivés sur le tard et tristement cachés par un vulgaire bol de chips.

«[…]les organisateurs d’un souper qui se veut bohème et décontracté se transforment en gestionnaires de projet.»

La fin du repas ne signifie pas non plus la fin de vos angoisses, car il faut à présent décider ce qu’on fait avec les plats de service vides. On les rapporte sales? On les lave chez notre hôte? On les lui laisse jusqu’à la prochaine fois au risque de ne jamais les revoir? Des plans pour se taper une crise d’anxiété dans le taxi sur le chemin du retour.

Lors d’un souper traditionnel, la seule personne qui souffle dans un sac de papier en cachette, c’est la personne qui reçoit. C’est d’ailleurs le rôle des invités, normalement plus détendus, d’apaiser leurs hôtes.

Une fois la soirée terminée, les maîtres de table ont la satisfaction d’avoir bien reçu la mêlée, au lieu de voir leur succès repartir en fragments dans la vaisselle sale de leurs invités.

« C’est d’ailleurs le rôle des invités, normalement plus détendus, d’apaiser leurs hôtes. »

Avis aux grippe-sous qui se réjouissent d’avance : s'il est de bon ton lorsqu’on est invité de ne pas être tenu responsable de nourrir les autres convives, à mon avis, les repas conventionnels ne signifient pas qu’on doit arriver les mains vides! C’est plutôt le moment d’apporter notre touche personnelle à la réception avec un cadeau pour les hôtes (n’en déplaise à certaines personnes). Pensons à des biscuits à grignoter une fois la visite partie ou un pot de fromages marinés à garder pour la prochaine fois, par exemple.

C’est aussi une occasion de redonner à chacun un rôle en fonction de ses talents. Pendant que les hôtes se chargent des victuailles, ça prend une personne chargée de l’ambiance musicale, une qui déballe de succulents potins, une autre qui fait rire l’assemblée et finit la soirée avec le sentiment amer d’être passée à côté d’une carrière en humour, quelques retraités de la restauration pour aider au service et, par tradition, quelqu’un qui raconte en détail les rénovations récentes faites à sa maison.

Bref : lorsque chaque personne contribue le mieux qu’elle peut au lieu de penser à ses œufs farcis, la soirée ne peut qu’en être bonifiée.

Ce temps des Fêtes s’annonce certes différent, mais qui sait… Des cendres de ces temps étranges renaîtra peut-être l’envie de recevoir dans les règles de l’art. J’entends d’ici la scintillante Renée Claude nous chanter avec bonheur Le début d’un temps nouveau!

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¹ Ou « à la fortune du pot »

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